Dates – 21/03/17


Je n’avais pas prévu d’écrire ce message, ici. J’avais prévu un texte que peut-être je trouverai le temps d’écrire avant que le métro ne m’amène chez Louis. Mais au moment d’inscrire la date, en haut de cette page, dans l’espace réservé, presque un cartouche du carnet : Datum/date, j’écris 21/03/17 et j’aurais très bien pu, en m’écoutant, inscrire 2016, ou 2015. Sans problème. Je n’arrive pas à comprendre que je vieillis. Ces dernières semaines, nombre d’angoisses nocturnes m’ont rappelé que j’avais 30 ans. Je me faisais tout joyeux à l’idée d’avoir 30 ans et surtout de n’en ressentir aucune sorte d’inquiétude, mais voilà l’angoisse est venue, avec du retard. Tout simplement parce qu’en octobre, novembre, décembre, je n’avais peut-être pas le temps d’être inquiet. Patiemment, l’angoisse a attendu son heure, un relâchement, un montage fini et son prévisible baby-blues, un relâchement des deadlines, une fin d’installation dans mon nouvel appart bruxellois, la queue de comète du coup de foudre pour Adèle… Et elle a frappé comme un scorpion, de petites saillies qui piquent un peu sur le coup, et propagent leur froid venin avec une rapidité éprouvante.
Signe de cette angoisse de vieillir et de ses manifestations classiques (certitude de n’avoir rien fait, d’avoir raté le coche du succès, d’être un loser, un raté, un homme qui fait des œuvres qui non seulement n’intéressent pas les institutions qui permettent une carrière, mais n’intéressent au fond personne, de rater sa vie, d’être un faux jeune, plus vieux qu’il ne croit, déjà ridicule dans sa prétention à rattraper les fêtes et orgies manquées de sa jeunesse, ou sinon manquées, du moins dont il ne se lasse pas, et qui me pousse à fréquenter, comme un vieux vampire, des gens de plus en plus jeunes) signe de cette angoisse, l’incapacité à comprendre qu’on est en 2017, que passe et passe le temps, certitude d’avoir toujours 4 ou 5 années de moins.

Est-ce un mal de se sentir 25, 27 ans ? J’imagine les proches, les naïfs, me dire que non – mais je sais, je sens, que cela serait un piège, un verbiage, que de retourner ce refus de vieillir, d’être 30 ans, d’être 2017, en une sorte de jeunesse de l’esprit, ou de fraîcheur de l’âme. Vieux je suis, adulte je suis, c’est une douleur de l’accepter, tant je ne me sens pas, intellectuellement ou artistiquement, prêt.