Je n’avais pas prévu d’écrire ce message, ici. J’avais
prévu un texte que peut-être je trouverai le temps d’écrire avant que le métro
ne m’amène chez Louis. Mais au moment d’inscrire la date, en haut de cette
page, dans l’espace réservé, presque un cartouche du carnet : Datum/date,
j’écris 21/03/17 et j’aurais très bien pu, en m’écoutant, inscrire 2016, ou
2015. Sans problème. Je n’arrive pas à comprendre que je vieillis. Ces
dernières semaines, nombre d’angoisses nocturnes m’ont rappelé que j’avais 30
ans. Je me faisais tout joyeux à l’idée d’avoir 30 ans et surtout de n’en
ressentir aucune sorte d’inquiétude, mais voilà l’angoisse est venue, avec du
retard. Tout simplement parce qu’en octobre, novembre, décembre, je n’avais peut-être
pas le temps d’être inquiet. Patiemment, l’angoisse a attendu son heure, un
relâchement, un montage fini et son prévisible baby-blues, un relâchement des deadlines, une fin d’installation
dans mon nouvel appart bruxellois, la queue de comète du coup de foudre pour
Adèle… Et elle a frappé comme un scorpion, de petites saillies qui piquent un
peu sur le coup, et propagent leur froid venin avec une rapidité éprouvante.
Signe de cette angoisse de vieillir et de ses
manifestations classiques (certitude de n’avoir rien fait, d’avoir raté le
coche du succès, d’être un loser, un raté, un homme qui fait des œuvres qui non
seulement n’intéressent pas les institutions qui permettent une carrière, mais
n’intéressent au fond personne, de rater sa vie, d’être un faux jeune, plus
vieux qu’il ne croit, déjà ridicule dans sa prétention à rattraper les fêtes et
orgies manquées de sa jeunesse, ou sinon manquées, du moins dont il ne se lasse
pas, et qui me pousse à fréquenter, comme un vieux vampire, des gens de plus en
plus jeunes) signe de cette angoisse, l’incapacité à comprendre qu’on est en
2017, que passe et passe le temps, certitude d’avoir toujours 4 ou 5 années de
moins.
Est-ce un mal de se sentir 25, 27 ans ? J’imagine
les proches, les naïfs, me dire que non – mais je sais, je sens, que cela
serait un piège, un verbiage, que de retourner ce refus de vieillir, d’être 30
ans, d’être 2017, en une sorte de jeunesse de l’esprit, ou de fraîcheur de
l’âme. Vieux je suis, adulte je suis, c’est une douleur de l’accepter, tant je
ne me sens pas, intellectuellement ou artistiquement, prêt.