12 mai 2015 - Pain au lait


Devant moi, dans ce métro qui m’emmène à Chaillot, un salary man en costard bleu marine mord avidement dans un pain au lait aux pépites de chocolat, dont on imagine aisément qu’il va constituer son repas entier.
Ce pain au lait me dégoûte. ll me rappelle celui que j’avais acheté en gare de Toulouse, le jour de ma grande rupture avec A. Je m'étais saoulé la veille, terrifié à l'idée de la grande discussion à mener. Je m'étais réveillé avec la plus grande gueule de bois de ma vie. Je m'étais dit que ce pain au lait pourrait me redonner de quoi survivre. Je l’avais entamé, vomi, j’en avais repris un bout, que j’avais revomi. Le reste était de plus en plus sec, gonflé, impossible à mâcher, il représentait ce que je devais manger pour récupérer les forces qui m’échappaient, pour absorber un peu l’alcool, mais mon estomac refusait obstinément d'en entendre parler...
Cette dégoûtation, plus morale que gustative, plus instinctive que morale, m’est restée depuis bientôt deux ans : on emporte ainsi à travers l’existence de curieuses plaies, opérées par les événements intérieurs de notre vie, sur des endroits précis de notre corps et de nos goûts.

17 mai 2015 - D'un parfum


Il y a quelques jours, en arrivant dans la salle de C. où nous répétions, j'ai été traversé par une odeur particulière, que je ne compris pas d'abord. C'était une odeur incommodante, un peu à rebrousse-poils, et dont l'âcreté cachait, comme le double fond élégant d'un sac vulgaire, des impressions de douceur et de sensualité que j'avais du mal à assigner. C'était au début uniquement des souvenirs d'odeurs. Mais d'odeurs de quoi ? J'avais du mal à mener l'espèce d'enquête intérieure qui me mènerait à leur provenance. Le metteur en scène traçait des choses capitales. Il fallait suivre.