Devant moi, dans ce
métro qui m’emmène à Chaillot, un salary man en costard bleu marine mord
avidement dans un pain au lait aux pépites de chocolat, dont on imagine
aisément qu’il va constituer son repas entier.
Ce pain au lait me dégoûte. ll me rappelle celui que
j’avais acheté en gare de Toulouse, le jour de ma grande rupture avec A. Je m'étais saoulé la veille, terrifié à l'idée de la grande discussion à mener. Je m'étais réveillé avec la plus grande gueule de bois de ma vie. Je m'étais dit que ce pain au lait pourrait me redonner de quoi survivre. Je
l’avais entamé, vomi, j’en avais repris un bout, que j’avais revomi. Le reste
était de plus en plus sec, gonflé, impossible à mâcher, il représentait ce que
je devais manger pour récupérer les forces qui m’échappaient, pour absorber un
peu l’alcool, mais mon estomac refusait obstinément d'en entendre parler...
Cette dégoûtation, plus morale que gustative, plus
instinctive que morale, m’est restée depuis bientôt deux ans : on emporte
ainsi à travers l’existence de curieuses plaies, opérées par les événements
intérieurs de notre vie, sur des endroits précis de notre corps et de nos goûts.
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