Au moment de me coucher, si épuisé que j’en avais les yeux qui me brûlaient, j'ai été réveillé par une angoisse. Je
commençais à sombrer dans le dodo, avec les pensées et dialogues intérieurs
incohérents qui le précèdent. Je m’entends soudain dire à un ami, dans un genre de demi-rêve : « On n’a qu’à lui faire vivre un moment à notre âge, à 24
ans, il verra bien ce que ça fait » et soudain une autre voix intérieure,
impérieuse, qui me secoue et me réveille : « Non Charles tu n’as pas 24 ans, mais
29 ! ».
Voilà tout mon problème : une part de moi se
refuse à grandir et à avoir grandi, se refuse à vieillir et à avoir déjà vieilli ; se croit
encore, pour toujours, dans cet âge un peu béni des études, ces dernières
années où l’on n’était pas encore tout à fait libre. Je me souviens, à l’époque
j’adorais cet état, je savais que c’était un moment qui allait passer, un âge
d’or qui allait se terminer. Pourquoi cela devrait terminer ? C’est je crois
la question de toute ma génération.
L’angoisse naît du fait que cet insouciant de 24 ans
qui prend le pouvoir, qui se dit qu’on a le temps, qu’on peut se branler encore
une fois, se promener, lire un bon livre plutôt qu’écrire et créer, cet
insouciant est parfois rappelé à la Réalité par un homme de 29 ans qui lui
rappelle que le temps passe terriblement vite, cruellement vite, et dans un
sens seulement, et que le bout de tout ça, c’est la mort. Et que dans mon
esprit, j’ai 5 ans de retard sur ce travail vers la fin.
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