Hier, en recopiant mes notes depuis mon carnet vers mon ordinateur, je suis
retombé sur ce que j'avais écrit à propos de ma rencontre avec F, sur ses contradictions, sur la profonde énergie qui se dégage
d'elle. Cela m'avait collé à la tendresse et au désir qu'elle me fait éprouver, et je lui ai envoyé un SMS lui disant que je pensais à elle, en des
termes érotiques, plutôt crus : ceux que je ressentais.
Sa réponse fut pleine d’une incrédulité
défiante : elle me reprochait que ce ne fût que stratégie pour "tenir sa
(ou ses) proie au chaud". J'avoue avoir mis du temps à prendre la pleine
mesure de la blessure qu'elle m'infligeait. Il fallut qu'à mes
dénégations elle opposât une toujours aussi profonde méfiance, et qu'elle y
ajoutât même ce qui pouvait peut-être le plus me vexer, à savoir une critique
de la crudité de mes propos, du manque de poésie de mes écrits les plus
ouverts, présentée sous le masque irritant de paternalistes "conseils aux
femmes pour déclencher leur désir" - venant d'une femme qui n'y connaît encore pas grand-chose - il aura fallu ces
nouvelles réponses, reçues quelques heures plus tard, pendant la fête chez
Gaëlle où j'avais déjà bu quelques bières, pour que je prenne la pleine mesure
de ma douleur. Laquelle a pris la forme d'une intense colère, que peut-être
j'avais contenue jusque-là dans mes rapports avec F.
C’est pourtant loin d'être la première fois qu'elle fait étalage de cette
méfiance à mon égard : sans que je ne lui aie jamais menti, même lorsque
c'était difficile, sans que je ne l'aie jamais forcée à faire quoi que ce soit,
ayant même accepté sa première décision de rompre, n'ayant pas cherché à la
revoir ensuite, ayant accepté enfin son retour sans poser de questions
embarrassantes, j'ai toujours été l'objet de sa suspicion. J'étais en train de
la manipuler ! de la tromper ! moi l'infidèle, moi l'athée farouche, le
libertin ! Ce que je lui disais, je le disais certainement à d'autres, et
les mots les plus gentils et les plus recherchés ne pouvaient tirer leur
douceur et leur délicatesse que dans leur répétition auprès
d'autres femmes qu’elle. Et comme de ces accusations on ne se défend qu'avec des mots, plus je me justifiais, plus je lui jurais ma sincérité, plus elle me prenait pour un menteur.
Ce qu'elle ne peut sentir, c'est que la pire insulte qu'on puisse adresser à quelqu'un qui vous
écrit est de l’accuser d’écrire à côté de ses tripes, c'est-à-dire de ne pas
se livrer tout entier dans les mots qu'il vous envoie. Envoyer ces mots est toujours un risque que je cours — un saut
dans le vide. Qu'elle ne m'y réponde jamais avec la même ouverture m'est
parfois pénible mais, vu son caractère, attendu ; qu'elle les croie
systématiquement insincères me troue. Elle m'accuse d'être un acteur, quand
j'ai œuvré depuis quelques années à m'éloigner enfin du mensonge, et même : à dire
le plus possible la vérité que j'aurais pu cacher.
Ce n'est pourtant pas la
première fois qu'elle me fait ces reproches injustes. Pourquoi alors une telle colère contre F ?
La réponse est peut-être dans la disparition de B. du
paysage de ma vie. En quittant Agathe j'ai pu redevenir moi-même comme je ne
l'avais plus été ; en ne voyant plus B je ne peux plus l'être autant
qu'avant. Me voilà, ayant découvert au pire moment la possibilité d'un être-ensemble proprement vertigineux, où tout ce qui
me passe par la tête est reçu et aimé pour lui-même. B disait qu'en me lisant elle sentait la recherche d'une expression la plus sincère de ma pensée et de mon être (et cette recherche bien sûr n'aboutit pas toujours) ; cette
raison l'amenait à réclamer toujours plus de mots de ma part, toujours plus
d'échanges. Tous mes écrits, du plus petit SMS au plus construit de mes textes, elle les collectait avec émotion — et en parallèle, les mails qu'elle m'écrivait me retournaient.
Ma colère
contre LF est sûrement, aussi, la peine de ce paradis perdu : qui me comprendra
désormais autant ? (miettes du 28 février 2015)
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