11 mars 2016 - Téléphone, passion


Amoureux, obsédé, on consulte son téléphone sans arrêt. Trajet automatique et habituel, comme une ligne de métro aux arrêts bien connus : SMS, heure, Facebook, mails, Whatsapp, etc. La plupart du temps on ne sait pas bien ce qu'on fait ; on ne se formule même pas que c’est de l’autre qu’on attend des messages (ou plutôt : des réponses à nos questions).
On regarde en espérant quelque chose, on ne sait bien quoi. C’est en fait notre inconscient qui nous appelle, nous envoie des messages, sans qu’ils ne s’affichent jamais sur le terminal qu’on tient dans notre main. On est parfois certain d’avoir entendu un appel — il m’arrive même de rêver la vibration de mon téléphone — mais l’imagination n’a pas pu davantage nous envoyer de message réel qu’elle n’a pu pousser, à distance, l’autre à nous écrire.
On finit toujours par recevoir des signes, la plupart du temps d’autres correspondants. Il est soudain infernal que des amis nous importunent de leurs messages, forcément dérangeants, forcément sans intérêt. De quel droit nous donner ces faux espoirs ? Nous les haïssons de nous envoyer ces signes que nous attendons d’une autre. Nous préférons encore aller voir, sur Whatsapp, si l’autre a déjà lu notre message, si un message d’elle ne nous serait pas arrivé discrètement, et par erreur sans notification.
C’est comme si une autre femme, non pas la vraie, mais celle qui a pris quartier dans notre imagination (et qui se fait passer pour elle) n’arrêtait pas de nous appeler au nom de l’autre, de nous écrire. On consulte son téléphone : il n’y a rien. On devrait en conclure que la femme dans notre esprit, celle qui s’accorde à nos désirs et les devance, les redouble des siens, n’est pas la bonne, qu'elle n’a rien à voir avec la vraie. On ne songe même pas à la congédier : on lui pardonne, en attendant que la vraie la rejoigne.
Le plus drôle c’est que je ne compte pas les occasions où l’autre, en face, comme tout le monde peut-être, consulte anxieusement son téléphone, attendant un message, parfois de nous, parfois d’un autre garçon, parfois d’un boulot, d’une commission qui doit statuer sur son sort. Et à bien y réfléchir, d’autres femmes peut-être, au même moment, attendent peut-être, plus ou moins confusément, un message de moi ; et de ne leur rien renvoyer, de ne même pas penser à elles, excite leur désir ou leur colère, me les rendrait encore plus facile à conquérir, si je songeais un jour à leur répondre.


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