30 mai 16 - A deux, malgré tout

Samedi dernier, un concert expérimental dans une église, un bain de son, en compagnie de D, de passage à Bruxelles. Nous ne sommes pas grand-chose l'un pour l'autre : des amants irréguliers pendant quelques semaines, puis aucune nouvelle pendant des mois. Mais elle passe, impromptue, et nous voilà au concert.

Dans l'obscurité profonde de l'église, nous nous prenons dans les bras. Le martèlement de vibrations sonores, épuisant et immense malgré les obligatoires boules Quiès, semble creuser le temps, l'effriter. Un suspens, dans lequel je me sens soudain extrêmement proche de D. Accroché à elle, par-delà le temps, par-delà notre histoire relativement anodine. Sans pouvoir nous parler, je sentais chez elle, à cet instant, la même angoisse fondamentale de la mort, celle qu'on se croit toujours un peu seul à porter. Inquiet, lucide, mais par sa présence apaisé. Le même sentiment exactement, en plus bref, qu’avec des femmes que j'avais profondément et longtemps aimées.

Et si je creuse cette impression, je remarque que je partage, avec certaines amantes suffisamment tendres [...] une telle joie du corps, de la chaleur, de la présence, que cela ressemble toujours, dans l’absolu d'un instant, au sentiment amoureux, ou en tout cas à ce qu'on appelle comme ça, et peut-être à tort. De la sécurité et de la tendresse et de l’apaisement moral, qui détend ensuite tout le corps. Quelque chose comme la chaleur transcendante qu’on recevait, enfant, des bras de la mère qui nous portait, qui nous serrait, qui nous disait plus ou moins muettement que la nuit allait bientôt s'achever, que ce n'était qu'un rêve et qu’on ne mourrait jamais. Tous ces mensonges auxquels bien sûr il devient impossible de croire en grandissant, mais dont je retrouve intacte la consolation, dans les replis chauds de la peau de l'autre.

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