12 juin 2016 - Cœur qui palpite

Hier soir, mon ami Raphaël est de passage à Bruxelles. Lui et moi nous incrustons à une soirée grâce à Clara. Partout, de ces belles femmes distantes comme on en voit souvent dans les fêtes d'artistes : on les admire mais on ne saurait quoi leur dire, ni comment les délivrer de leur morgue. On ne devine pas comment les faire sourire, ni les faire rire, et d'ailleurs si c'est même possible. Cela doit être épuisant, pour elles, de faire flotter ces bulles sérieuses autour de leur personne.
Aussi quand je vois cette jeune femme pétiller vers moi, me faire une blague de collégien, mon intérêt bondit un peu violemment : autant parce qu’elle est particulièrement belle, que parce que son âme toute blanche éclipsait celles, grises, des autres invités.
B., s'appelle-t-elle : facile de lui parler, de la faire rire sur des sujets atroces, d'unissonner avec elle. Facile de faire rouler ensemble les deux épaules de la séduction : celle qu’on subit et celle qu’on exerce. Je prends ses coordonnées plus vite qu'à l'accoutumée, nous parlons beaucoup mais devons nous séparer : mon ami et moi devons nous rendre à une autre soirée où je rejoins Marie. Elle, doit rester.
Aujourd’hui, j'ai traversé la journée avec anxiété. Mon cœur : battant. Stress. Va-t-elle m’écrire, me répondre, et puis vouloir me revoir ? Je sais très bien, et là se niche la folie, que je devrais m’en balancer : cette B. est certes très séduisante, mais enfin j’ai d’autres femmes dans la tête, et même deux que je fréquente dans deux villes différentes. Pourtant elles se retrouvent toutes soudain éclipsées, affadies, sous la lumière aveuglante de la blanche rencontre. Aveugle pour les autres femmes, mais aussi pour B. elle-même. Car peut-on jamais voir  la source qui nous éblouit ? Oui son visage est là, m'attend sur Facebook : j'ai peine à le reconnaître mais son caractère, sa personne, ont complètement disparu de mon esprit — si tant est qu’ils y soient jamais rentrés. Je ne pense qu’à nos retrouvailles, à cette étrange coïncidence qu’elle habite à côté, et qui pourtant ne facilitera jamais nos entrevues, à nos prochains échanges. Le reste paraît flou, étouffé dans la pénombre : mon esprit n'est tissé que de cette obsession dominicale, ce genre d'obsession qui prend toute la place d'un jour où justement, dégagé d'obligations et donc pouvant tout faire, cette liberté soudaine nous stupéfie et nous jette dans l'inutilité, dans l'inactivité d’une obsession minuscule et spiralée – minuscule parce qu'aucune interaction avec la femme attendue ne la développe et la grandit, spiralée parce qu’aucune de ses réponses ne viendra déjouer le petit manège banal des pensées, le circuit infernal et court qu’elles empruntent : m’a-t-elle répondu ? Non. Pourquoi ? Je ne sais. La reverrai-je ? Je ne sais. Que faire ? Attendre. Aurais-je dû écrire si vite ? Sûrement pas. Trop tard ? Oui. Que faire alors ? Penser à autre chose. (…une minute passe...) M’a-t-elle répondu ? Non.

Cette obsession ne dure et ne gâche, en général, qu’une ou deux journées. La valeur de la femme et les conditions de la rencontre n’y entrent pour à peu près rien.

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