16 juin 2016 - Elle danse

Elle tombe enceinte. On découvre que le bébé va sortir avec une malformation ; il faudra l’opérer dès la naissance, et c’est bien trop dangereux. Elle a le droit d'avorter après le délai légal. Ce n’est plus légalement un avortement, mais l’accouchement d’un fœtus qui meurt, qu'on doit nommer et qu’on doit enterrer. Détail affreux, elle doit en plus batailler pour que les médecins abandonnent leur principe de vie, assez idiot en l'occurrence, et lui laissent avorter. 
C’est horrible, ça ressemble à un trauma, mais elle trouve la force de le faire. Le soir, elle sort de l’hôpital, et ne préfère pas rester seule avec son compagnon. Alors ils se rendent directement à une fête que donnent des amis à la campagne. Directement après l’hôpital. On l'avait prévenue vous serez épuisée madame, mais la voilà qui danse et qui boit. Jusqu’à 5h du matin. Et après ça, elle trouve encore le temps, à l'aube ou après l'aube, me raconte-t-elle, de s’engueuler avec son homme, et encore l’énergie de se rabibocher et de se mettre au lit tout enlacés et tout amoureux. 
Surhumaine personne. C'est-à-dire plus qu'humaine. Je n'y étais pas, mais au-dedans de mes yeux je vois parfaitement l'image : elle avec son sourire royal et régulier, avec cette couronne de dents sur sa face illuminée, elle en danse, toute sensuelle comme je l’ai toujours connue, toute force de vie s’ébrouant de ses cendres, petit corps mince mais qui triple de volume en tournoyant. Dansant sur ses propres ruines, piétinant en rythme la mort et la douleur, la tristesse et la malchance.

Elle m’a raconté qu’après cette nuit, elle avait dormi toute une semaine. Cela n’ôte rien à la beauté de cette nuit. Quand on sait vivre avec fureur, on peut dormir avec panache. 

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