Jeudi soir dernier, au concert de
Moodoïd, à la Gaîté Lyrique, avec Raphaël La, j’ai de nouveau, sans
particulièrement le chercher mais en étant prêt et volontaire à l’accueillir,
ressenti un sentiment de bonheur très vif. L’impression de trouver sa place et
de l’accepter, de sentir l’épaisseur de mon corps et de mes sensations. Le
sentiment d’appartenir aux choses et au monde, d’un « belong » qui
est à la fois trouver sa place et être approprié par autre que soi, par le
monde, mais donc aussi par soi-même. En m’offrant au monde, en laissant mon
esprit relâcher sa prise sur les choses, sur mon corps et sur moi-même :
une sensation vertigineuse, toujours effrayante aussi, comme sauter dans la
vide. Mais en sortant de ça, j’ai toujours l’impression de me réapproprier – de
ressaisir ce corps et cette âme différemment, comme si pendant ce petit tour hors de
moi on les avait lavés.
Je ne sais pas si c’est
un mouvement hors de moi, où je laisse
mon corps au monde, ou un mouvement au-dessus de moi, où je pars de mon être, dans un élan mystique
qui secondairement seulement laisse mon corps derrière.
Les dernières fois c’était pendant une fête, à l’extérieur, lors du festival de Cannes 2013 ou dans la boîte à
Amsterdam avec Stan, deux événements à propos desquels j’ai déjà écrit dans mes
carnets, deux textes qui m’ont été très importants. J’ai l’impression de pouvoir
relancer cette sensation, qu’il ne s’agit que d’un effort de la volonté, et pourtant…
Force est d’avouer que je ne le fais pas, que ça ne doit pas être aussi facile
que je le crois. Je sens que c’est une forme de méditation, un cousin du
yoga : forcer les muscles de son visage et de son corps à se détendre, à
couler, faire sortir le sourire dans les yeux et des lèvres (le
sourire est premier et emporte tout), et sentir que dans chaque souffle
il y a un peu d’angoisse qui s’en va – je la sens comme une grosse pile
compacte et lourde, qu’il faut attaquer à la pioche de son souffle et d'un rayonnement intérieur.
Cependant ici, dans ce café de
Quiberon où pourtant je me croyais détendu, je réessaie et je sens que je n’y
arrive pas. Trop de pensées, trop de gens autour de moi, un paysage à la fois
trop complexe et trop moche, cette place du village sans intérêt.
EDIT : j’ai recopié ce texte après un mois et demi de
bonheur, et au milieu d’une semaine de beau temps à Paris. Mon
colocataire Julien travaille en silence, à côté de moi, dans le salon. J’écoute
une chanteuse que j’aime beaucoup, et en relisant ces exercices de sourire et
de respiration, j’ai commencé à sourire, et le sourire a emporté le reste de
mon corps. J’ai perdu quelques kilogrammes et j’ai senti les racines de mon âme
toucher les quatre coins de la pièce.
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